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lundi 27 décembre 2010

L'étang de l'or...


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Et toujours des bourrasques, du froid, des pluies, la neige. Un matin, le loriot chanta.
Il chanta et ce fut le printemps. Le printemps apporta le loriot, le loriot apporta le printemps.
Il était dans l'arbre, devant ma fenêtre. On eût dit qu'il s'adressait à moi. Il sifflait avec ironie.
Tous les matins à l'aube, le loriot m'éveillait.

Lorsque, le dimanche suivant, j'arrivai aux cabanes, les rives du canal, à perte de vue, étaient couvertes de narcisses. Ces tendres blancs et ce parfum, inconnus ici où rien ne porte le signe de la douceur, me jetèrent dans le désarroi. Je n'osais marcher, toucher ces fleurs, ce gazon éphémère. Tout était droit ; les roseaux, les triangles avaient rentré leurs épées. Derrière les narcisses, les vastes étendues de salicornes, entourant les clairs, gardaient leur transparence glauque où rien ne fleurissait jusqu'à l'étang, jusqu^à l'autre côté de l'étang, jusqu'à la mer, où je trouverais sans doute ces timides iris des dunes, frères des narcisses.


Sur ces rivages sans printemps, j'admirais l'effort des végétations pour composer avec le climat, improviser de hâtives parures. Tandis que je croyais encore à l'hiver, la terre, elle, ne s'y était pas trompée. Son espérance souterraine avait préparé l'éclosion. Le loriot, lui aussi, se tenait tout prêt à attaquer ses trilles et ses intervalles majeurs.


Je choisis la barque la plus petite, la plus légère, une de ces frêles embarcations qui portent ici le nom de "négafols" ou "noiefous". Je voulais déceler le printemps.


Il y était. C'était, sur l'étang, un murmure
Il était fait de vies et de souffles, mais trop indécis pour s'affirmer. Les hirondelles de mer volaient très haut. Sur les bords, les roseaux du palus frissonnaient de minuscules passages. Mes joues étaient caressées par un air qui n'arrivait pas à plisser l'eau. Dans les herbes, je percevais des grouillements et le ventre blanc des dorades jetait un éclair. Je regardais longuement le fond de l'étang où se mirait le plat des rames. C'est alors que, pour la première fois, je compris la cohésion des choses. Cette espèce de solidarité qui lie tous les éléments du monde.


Au fond de l'eau, sur la vase, des lianes brunes rampaient. Mais sur leurs tiges naissaient des taches plus vertes et la forme d'un bourgeon s'ébauchait ; sur la croûte délétère, des corolles s'entrouvraient ; il y avait là des couleurs, des auréoles, des moires, des dessins délicats, des nuances. Dans ce lieu perdu, ce bout du monde délaissé, et sous la surface de l'étang, dans le domaine des miasmes, il y avait la couleur, il y avait les lois de l'harmonie, de la symétrie et des formes, tout ce qui avait montré aux hommes depuis des temps immémoriaux, le chemin qu'ils étaient convenus d'appeler l'art et la beauté, mais sous un ordre si secret qu'il semblait réservé au monde des algues, au regard glauque des anguilles, aux larves, aux ternes coquillages, traduisant le besoin de splendeur des espaces saumâtres.


Gaston BAISSETTE - l'étang de l'or (1945)


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