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vendredi 26 mars 2010

Riches et pauvres

Mai 1988

Le sous-developpement, ce «génocide silencieux»

Abdus Salam (décédé en 1996), du Pakistan, a reçu le prix Nobel de physique de 1979 (avec S. Glashow et S. Weinberg) pour ses travaux sur l'interaction électromagnétique entre les particules élémentaires. Fondateur et directeur du Centre de physique nucléaire de Trieste, patronné par l'UNESCO, et professeur de physique théorique à l'Imperial College of Science and Technology de l'Université de Londres, il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Ideals and Realities: selected essays of Abdus Salam (1984) et Supergravity in diverse Dimensions (1987).
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Les habitants de notre planète se divisent en deux catégories distinctes. D'après une enquête du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), un quart de l'humanité, soit un peu plus d'un milliard d'hommes, entraient en 1983 dans la catégorie des " développés " Ils occupaient les 2/5 des terres émergées, alors que 3,6 milliards d'êtres humains " en développement " – les " Misérables " – se partageaient les 3/5 restants.
Pour plus de commodité, appelons-les tout simplement les riches et les pauvres, même si tous les pays en développement ne sont pas exactement pauvres, eu égard à leur Produit national brut (PNB). De toute façon, ce qui les distingue les uns des autres ce n'est pas seulement la richesse ou la misère, mais leur ambition, leur dynamisme et l'importance de leur contribution à la " culture contemporaine ", ainsi qu'à la science et à la technologie.

En 1983, le PNB des pays riches s'est élevé à 10 500 milliards de dollars, soit 9 5OO dollars par an et par habitant, ou encore 800 dollars par mois. Le PNB des pays pauvres plafonnait, pour la même année, à 2 600 milliards, soit en moyenne 60 dollars par habitant et par mois.
Pour le milliard d'hommes habitant les pays de l'Asie du Sud (Afghanistan, Bangladesh, Inde, Népal, Pakistan et Sri Lanka), région dont je suis originaire, le PNB ne dépassait pas 250 dollars par habitant, soit 20 dollars par mois en moyenne et 70 cents par jour. Avec cette somme, il nous faut faire deux repas quotidiens, nous habiller, nous loger, nous soigner, et nous cultiver par-dessus le marché !

C'est à sa supériorité économique et militaire que le quart le plus riche de l'humanité doit de " diriger ", le monde d'aujourd'hui, un monde caractérisé par l'égocentrisme des peuples du Nord. Parmi ceux-ci, figurent d'abord, bien entendu, les deux " supergrands ", les Etats-Unis et l'URSS, peuplés respectivement de 235 et 272 millions d'habitants, avec un PNB de 3 300 et 1850 milliards de dollars. Cette " élite " souffre en général de deux maux: la terreur nucléaire et le chômage. Les pays industrialisés semblent avoir délibérément choisi de maintenir 10 % de leur population sans emploi, en leur donnant juste de quoi subsister.

Le reste de l'humanité (trois êtres humains sur quatre) comprend notamment les héritiers de quelques-unes des plus prestigieuses civilisations de l'histoire – chinoise, hindouiste, bouddhique et islamique. Pour eux, les problèmes fondamentaux sont la faim (certains pays sont régulièrement frappés par la famine) et le dénuement : manque de logements, de vêtements, de soins de santé, d'éducation, aggravé par le chômage, le déficit de la balance commerciale, un endettement chronique qui se situe autour de mille milliards de dollars, le surpeuplement et l'insécurité politique.
Et je ne parle pas là de ceux qui souffrent de la misère la plus criante, mais des millions d'autres qui ont faim en silence, qui ont rarement la chance (et je sais de quoi je parle) de faire deux repas par Jour et qui sont souvent obligés de rogner sur leur maigre pitance pour acheter le livre dont leur enfant a besoin à l'école. Ces gens-là-là sont écrasés par une misère telle qu'on n'en connaît plus en Europe ou en Amérique depuis Charles Dickens. Ce qui m'étonnera toujours, c'est que ce " génocide silencieux " n'ait pas entamé le courage de ces nécessiteux, qui dans leur grande majorité continuent à faire front avec dignité.

L'insécurité politique, qui est aujourd'hui l'un des aspects les plus éprouvants de la vie dans les pays du tiers-monde, est liée à plusieurs causes. Ce sont notamment les dictatures militaires (face aux coups d'Etat en chaîne, on finit peut-être par perdre ses réflexes démocratiques et ne plus penser qu'à survivre) ; les frontières contestées des Etats nationaux, héritées pour l'essentiel de l'impérialisme; le fanatisme religieux, attisé par l'histoire; l'esprit de conquête, la rivalité des superpuissances et l'insistance des riches à vendre des armes aux pauvres, et enfin, l'apartheid.

Les occasions de contact entre peuples riches et pauvres sont malheureusement trop rares. Il en est d'historiques, qui sont la conséquence de l'impérialisme colonial. D'autres tiennent à une responsabilité écologique partagée : il se trouve, par exemple, que ces " poumons de la terre " que sont les forêts tropicales sont situés dans les pays en développement, et ce n'est que tout récemment que les pays riches ont pris conscience de leur intérêt biologique pour l'humanité tout entière et de la nécessité de contribuer à leur préservation. Le besoin de matières premières difficilement remplaçables comme le pétrole ou le gaz naturel, mais aussi de certaines denrées alimentaires, est également motif à établir des contacts. L'Organisation des Nations Unies (et ses institutions spécialisées), tant décriée à l'heure actuelle, est un autre point de rencontre.
On aurait pu penser que le commerce favoriserait les rapports entre les peuples. Or, il n'en est rien. Le monde en développement n'entre que pour 20 % dans le commerce mondial. C'est ainsi qu'on a pu lire dans un ouvrage récent que " les 36 pays qui constituent véritablement le " Sud " de notre planète (comme la Chine, I'Inde et le Pakistan), dont le revenu par habitant est inférieur à 400 dollars et où vit la moitié de la population mondiale, ne représentent pas plus de 0,3 % des échanges internationaux dans le monde d'aujourd'hui. "
Au fond, les " vrais pauvres " – les " Nègres " du révolutionnaire antillais Franz Fanon–n'ont aucune emprise sur le monde actuel. Comme tous les déshérités du monde, ils pourraient aussi bien disparaître sans laisser de trace.
Alors, que peut-on faire pour eux?

On peut envisager deux solutions : la première serait de les liquider purement et simplement en s'inspirant de la modeste proposition du poète et pamphlétaire irlandais Jonathan Swift, qui avec une ironie désespérée envisageait, il y a deux siècles, de résoudre le problème de la faim en Irlande en donnant à manger les enfants nouveau-nés. Si toutefois, la conscience universelle reculait devant cette " solution finale " – qui fort heureusement ne manquerait pas d'opposants dans les pays riches–, il ne reste plus qu'à tenter de redonner à ces gens les moyens de vivre dignement.

Quant à moi, je pense que le seul moyen d'améliorer durablement la situation du monde en développement réside dans l'injection massive et contrôlée des moyens et connaissances scientifiques et techniques qui font la différence entre le Nord et le Sud. J'ajoute que cela créerait une demande de biens et de services qui ne serait pas sans incidences positives sur le problème du chômage dans les pays développés.

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