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samedi 1 mai 2010

S’émerveiller, une arme pour résister à la cruauté du monde


Par Anne Ducrocq

Dans une de ses dernières lettres, Jacques Decour, un professeur d’allemand résistant, exécuté en 1942, interrogeait : « Nous sommes-nous assez émerveillés les uns des autres ? Avons-nous été heureux d’être ensemble ? » De même, Anne Frank, jeune fille juive de 15 ans, qui mourra du typhus dans un camp, au fond du minuscule réduit qui lui tient lieu de cachette, au bord d’un canal de la capitale néerlandaise, conserve pourtant intacte sa capacité de s’émerveiller devant les petites joies de la vie. Elle décrit dans son célèbre Journal les fêtes de famille, l’émoi que lui procure le souvenir de Peter, son premier amour, ou encore l’agitation liée à sa croissance adolescente.


Oui, certains arrivent à ne pas se laisser envahir et submerger par la cruauté du monde. Oui, certains ont gardé l’émerveillement et une joie miraculeuse à la bouche et dans le cœur jusqu’au bout, jusque dans les camps de la mort. Ainsi, en 1942, tandis que le processus de déportation se met en marche, Etty Hillesum s’émerveille devant cinq boutons de rose et les poèmes de Rilke. Dans le camp de transit de Westerbork, elle écrit : " De l’autre côté de cette tente, le soleil nous offre soir après soir le spectacle d’un coucher inédit. Ce camp perdu dans la lande de Drenthe abrite des paysages variés. Je crois que la beauté du monde est partout, même là où les manuels de géographie nous décrivent la terre comme aride, infertile et sans accidents. Il est vrai que la plupart des livres ne valent rien, il nous faudra les réécrire. " Au lieu de parler de ce qu’elle vit et voit dans le camp, elle parle des livres de géographie insensibles à la beauté du monde ! « La liberté intérieure d’Etty Hillesum, dit Bertrand Vergely, me fait penser à celle d’un autre être éminemment libre, Epictète. Le philosophe (fils d’esclave et esclave lui-même) s’est penché sur la différence qui existe entre un esclave et un empereur. Son raisonnement est simple : selon lui, nous sommes tous des esclaves, limités par toutes les choses qui ne dépendent pas de nous. Le sage, le stoïcien accompli, est celui qui accepte ce que les événements et le destin lui apportent, tant que ceci n’est pas de son ressort. Etty Hillesum est parvenue à ce sommet incandescent. Elle a compris que la réalité est plus profonde que le mal, la souffrance et la mort. Comprendre cela, c’est faire une expérience existentielle, c’est tout embrasser car tout est vivant. Les nazis peuvent tuer Etty, ils ne peuvent ni fabriquer la splendeur d’un soleil qui se couche ni l’empêcher de jouir de cette beauté. Elle, qui est en train de mourir, n’est pas dans la mort, car elle vit spirituellement et trouve la vie belle, même dans un camp. Elle est passée de l’autre côté du miroir, elle est devenue l’un de ces « délivrés vivants » dont parle l’Inde... »


« Chaque jour je suis [...] sur les champs de bataille ou, peut-on dire, les champs de massacre. Parfois s’impose à moi comme une vision des champs de bataille de la couleur verte d’un poison, je suis auprès des affamés, des torturés, des moribonds, chaque jour ; mais je suis aussi proche du jasmin et du morceau de ciel derrière ma fenêtre. Dans une vie, il y a place pour tout. Pour une foi en Dieu et pour une mort misérable. » Etty Hillesum, Lettres de Westerbork


L’émerveillement, l’arme ultime de résistance ?...
 

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