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lundi 19 juillet 2010

Sauvegardons les semences de la vie!
Par Pierre Rabhi le jeudi 10 mai 2007

Le monde végétal relève de la même complexité que les autres règnes. Que la vie des végétaux soit intimement liée à celle du sol est une évidence, une banalité pour tout le monde. Pour l’agroécologiste, cette liaison va bien au-delà d’un phénomène élémentaire. Car le végétal est aussi le langage de l’organisme silencieux que représente la terre. Du lichen initial au séquoia, le peuple végétal est infini : de forme, de taille, de fonction, de substance, de couleur, de floraison, de fructification…infiniment diversifiées.

Selon les latitudes et les climats, cette toison de jade recouvre une partie très importante des terres émergées. Même les déserts les plus torrides et les plus froids recèlent des végétaux dont les prouesses d’adaptation semblent révéler une sorte d’intelligence par des stratagèmes extraordinaires pour survivre, des « techniques » très élaborées pour se reproduire, se propager, agrandir leur territoire, résister à l’adversité, au chaud et au froid, tirer parti des maigres ressources en eau …etc.

Le drame de la déforestation par le fer et le feu avec lesquels nous dévastons les grandes forêts est d’une tristesse infinie car, outre l’inintelligence et l’aveuglement que traduisent nos actes, nous faisons disparaître un bien extraordinaire dont nous sommes loin d’avoir réalisé l’inventaire. Mais l’instinct de pillards semble l’emporter sur le bon sens le plus élémentaire et la technologie décuple les effets négatifs de nos agissements. C’est ainsi que la préservation de la biodiversité végétale est l’un des très grands enjeux pour la survie mais ne semble pas pour autant alerter la conscience collective ni des décideurs, ni des citoyens.

Depuis la naissance de l’agriculture, les humains n’ont cessé d’intégrer des végétaux dans leur menu augmentant sans cesse le potentiel alimentaire, l’améliorant, l’adaptant à leur usage spécifique pour se nourrir, se soigner, se vêtir, construire leur abri, mais aussi en savourer les parfums, les arômes, les couleurs, la beauté et la subtilité. Les végétaux ont mis à profit la mobilité humaine et même à l’occasion de confrontations violentes, pour se propager, s’échanger, s’adapter à de nouveaux biotopes d’abord continentaux, puis intercontinentaux. Avec la découverte de l’Amérique, le potentiel augmente d’une façon spectaculaire : pommes de terre, tomates, maïs, tabac…etc. nous sont désormais familiers et bien installés dans notre quotidien.

Avec l’ère de la technoscience, de la productivité, de la marchandisation et du profit financier sans limite, la donne change brutalement. L’application des principes industriels à l’agriculture ne voit plus dans les végétaux qu’une source de profit financier. Le charme est en quelque sorte rompu, remplacé par la spéculation froide des samouraïs de l’économie. Alors commence un processus de sélection et de transformation, le paysan lui-même devient un industriel de la terre chargé de produire de la matière première vivante pour les usines de transformation qui réalisent de la valeur ajoutée sur son dos.

Petit à petit, la règle se planétarise, concerne tous les continents. Alors s’amorce un appauvrissement sans précédent du patrimoine domestique génétique enrichi depuis des millénaires par l’ensemble du genre humain.

Un processus d’usurpation graduelle se met en route avec l’accaparement de ce bien commun que l’on appelle semence, à savoir le principe même de la vie et de la survie. Peu de citoyens sont vraiment conscients de ce « hold-up » qui est fait au détriment de l’ensemble de l’humanité par des confréries de profiteurs internationaux. Pire encore, les confrères ont réussi à se donner l’image de bienfaiteurs de leur semblables et peut-être même que certains en sont profondément convaincus. La mainmise sur le fondement de la pérennité des végétaux indispensable à la pérennité de l’humanité donne un pouvoir exorbitant à ceux qui la détiennent. A partir de cette confiscation, s’ouvrent des secteurs de valorisation spéculative grâce à une sélection sur des critères parfois précieux, à des hybridations non reproductibles qui, sous le prétexte de performance génétique pour une meilleure productivité génèrent de la dépendance et renforcent le pouvoir quasi-discrétionnaire des monopoles.

Le dernier avatar de ce dernier courant qui convulse la planète concerne les organismes génétiquement modifiés et… brevetés. Avec les OGM, nous atteignons le summum de la transgression car nous portons atteinte à la logique fondamentale de la vie, à l’ordre strict qu’elle a établi pour garder sa cohérence, sa pérennité et son intégrité.

Dans ce registre, la recherche devient un alibi très présentable permettant à des scientifiques, subjugués par leur magistère, des firmes en mal de diversification pour de nouveaux secteurs de profit et à des politiciens consentants, complices ou impuissants de se coaliser pour jouer aux dés le destin collectif. Car nous sommes déjà bien habitués à des « nuisances scientifiques » engagées avec la certitude proclamée de leur innocuité. Une apocalypse biologique au sein de la nature et des pathologies jusque là inconnues, affectant les animaux et les humains, ne sont pas à exclure.

Quant à l’argument selon lequel c’est avec les OGM que l’on résoudra les problèmes de la faim dans le monde, non seulement il ne résiste pas à une analyse objective, mais les conséquences agronomiques, économiques et sociales désastreuses sont déjà le lot d’un nombre toujours croissant de petits paysans du Tiers-monde en particulier, acculés au suicide. Les OGM sont une grande imposture que l’agroécologie ne peut en aucun cas valider.

A tout cela, il faut ajouter une production végétale hors sol qui a recours à une quantité extravagante d’énergie combustible pour produire hors saison. Les systèmes artificiels tels que l’hydroponie ne retiennent du végétal que son processus de croissance hors du contexte naturel d’une terre vivante à laquelle il doit sa vitalité, sa qualité nutritive et sa saveur

Le monde politique n’ayant cure de ces problèmes pourtant majeurs, c’est encore des individus de la société civile qui les prennent en charge avec la force de leur conviction et la faiblesse de leurs moyens. Des associations s’organisent pour préserver et propager, par la création de petits conservatoires, telle ou telle espèce menacée de disparaître. Des semenciers militants se spécialisent dans les variétés traditionnelles reproductibles, transmissibles. D’autres élargissent considérablement la gamme des végétaux par une sorte de brassage quasi-planétaire au grand clam des monopoles leur opposant des réglementations et des restrictions à l’évidence arbitraires pour tenter de les éliminer au profit des productions massives d’hybrides qui envahissent les catalogues et les présentoirs de semences.

Ainsi, pendant que des intérêts parfois sordides endoctrinent, manipulent et créent du consentement auprès d’une opinion mal informée pour faire accepter ses appétits mercantiles, l’héritage génétique constitué depuis des millénaires et dont l’innocuité, l’adaptabilité, la reproductibilité, et l’efficacité alimentaires ne sont plus à démontrer ne cesse de disparaître chaque jour et de façon irréversible pour certaines espèces. Il va de soit que l’agroécologie ne peut souscrire à ce désastre et doit au contraire, de toutes les manières possibles, contribuer à l’arrêter. La sauvegarde de la biodiversité végétale est une de ses grandes priorités.

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